Soapbox – Animal Testing

Les animaux de laboratoire s’affichent dans le métro

Nos articles Soapbox nous permettent de donner la parole à des associations expertes des combats qui nous tiennent à cœur, via des articles originaux écrits par ces associations. Nous ne modifions jamais les textes qui nous sont fournis, pour laisser une entière indépendance à l’association et ne pas dénaturer son message (nous nous contentons d’ajouter, si nécessaire, des notes d’explication). Dans cet article, nous donnons la parole à l’association Animal Testing, qui nous présente sa campagne d’affichage contre l’expérimentation animale, du 22 octobre au 1er novembre 2021 dans le métro parisien.

Depuis vendredi et jusqu’au 1er novembre, les parisiens peuvent découvrir quelques 144 affiches de la campagne d’Animal Testing dans le métro et le RER. Pourquoi cette campagne ? Explication d’un projet inédit et nécessaire.

Rendre les animaux de laboratoire visibles

Ce 21 octobre, députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur le texte de loi concernant la maltraitance animale, présageant ainsi des avancées historiques pour les animaux en France : interdiction des animaux sauvages dans les cirques, interdiction des delphinariums, fin des élevages pour la fourrure… Il s’agit d’une grande victoire pour la cause animale. Mais, comme souvent, les animaux de laboratoire ne sont pas concernés par ces mesures. Ce sont les grands oubliés de la cause animale. Personne ne les voit, personne n’a vraiment envie de les voir non plus.

C’est pourquoi Animal Testing, association dédiée aux enquêtes sur les animaux de laboratoire, tenait à les montrer au plus grand nombre, pour sensibiliser chacun, encore et toujours, au sort de ces animaux invisibles.

 

Il est en effet peu probable que vous puissiez voir un animal de laboratoire dans votre vie, et encore moins ce qu’il subit. Pourtant, ceux-ci sont utilisés pour tous les domaines et produits de notre vie courante, bien au-delà du seul champ médical : alimentation, produits agricoles, polluants, encres, produits d’entretien ménagers, peintures, addictions humaines, cosmétiques, industrie automobile (souvenez-vous du Diesel Gate en 2018)*.

Il existe des expériences militaires, des expériences psychiatriques, des expériences toxicologiques : nous sommes parfois bien loin de l’idée selon laquelle les animaux de laboratoire ne sont utilisés que trouver des traitements à des maladies. Certains pensent parfois même que les expériences sur les animaux n’ont plus cours.

 

Si le premier but de cette campagne est d’offrir aux animaux de laboratoire une visibilité inédite auprès d’un public le plus large possible, son deuxième objectif est de soutenir l’Initiative citoyenne européenne pour interdire les expériences pour les cosmétiques.

 

Les tests sur les cosmétiques n’étaient-ils pas interdits ?

 

En effet, en 2009, le règlement européen a interdit les tests sur les animaux pour les ingrédients et les produits finis, à compter de 2013. Mais dans les faits, de nombreuses exceptions contournent cette interdiction.

 

  • Tout d’abord, les substances qui ne sont uniquement à usage cosmétiques, ne sont pas concernées par cette interdiction. Ces substances sont nombreuses, il s’agit même de la majorité, comme en prend note la Commission européenne, dans une communication de mars 2013 :

« La majorité des ingrédients utilisés dans les produits cosmétiques sont également utilisés dans de nombreux autres produits de consommation et produits industriels, tels les produits pharmaceutiques, les détergents et les denrées alimentaires, et l’expérimentation animale peut s’avérer nécessaire pour garantir la conformité de ces produits avec le cadre légal qui leur est applicable. »

  • Les substances qui peuvent présenter un risque pour la santé de travailleurs sur les chaînes de fabrication peuvent exiger des expériences sur les animaux.
  • Viennent ensuite les substances chimiques concernées par le programme REACH, (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals), destiné à l’enregistrement, l’évaluation et à l’autorisation des substances chimiques, et adopté en 2006. Ce programme oblige les industriels qui utilisent une substance non répertoriée par le programme REACH à prouver qu’elle n’est pas nocive, ce qui implique que toutes les substances qui n’ont encore jamais été testées doivent l’être et ce même si cela doit passer par des expérimentations réalisées sur les animaux. Les tests sont aussi obligatoires pour les ingrédients chimiques utilisés à plus d’une tonne par an en Europe. Concrètement, seules les substances en rouge sur le schéma ci-dessous sont de facto interdites d’expériences sur les animaux.

  • Enfin, comme si tout cela n’était pas assez, en août 2020, deux décisions de la Cour d’appel de l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) ont autorisé l’expérimentation animale pour des substances uniquement à usage cosmétiques (issues donc de cette même catégorie rouge, sur le schéma).

C’est pourquoi une Initiative citoyenne européenne baptisée « Save Cruelty Free Cosmetics » a été portée par une coalition d’associations (Peta, Humane Society, Cruelty free International, One Voice), que nous avons rejointe. Fin août, l’ICE est validée par la commission européenne : pour aboutir, l’initiative a jusqu’au 31/08/2022 pour réunir 1 million de signataires dans l’Union européenne, avec un seuil minimum qui doit être atteint dans au moins 7 pays. La France est aujourd’hui à moins de 50%. D’où notre campagne, qui a pour but de faire connaître cette initiative, et d’inciter chacun à la signer.

 

*Diesel Gate : scandale industriel et sanitaire lié à l’utilisation par le groupe Volkswagen, de 2009 à 2015, de techniques visant à réduire frauduleusement les émissions polluantes de certains de ses moteurs diesel et essence lors des essais d’homologation. Le scandale a entre autres révélé des expérimentation animales particulièrement cruelles sur des singes exposés à des gaz toxiques. (Note de Lush) Pour en savoir plus, consultez cet article écrit sur le sujet par Animal Testing.

Vouloir afficher les animaux de laboratoire dans le métro est une chose, y parvenir, en est une autre. Animal Testing avait cet ambitieux projet en tête depuis plus d’un an et demi, mais il nous a fallu des appuis nécessaires, dont celui de Lush, indispensable pour le mener à bien.

Un affichage dans le métro parisien touche évidemment un immense public, et il concerne autant des actifs que des enfants, des retraités, ou des touristes, surtout en cette période de vacances scolaires. L’impact et la variété du public, était donc intéressant.

Par ailleurs, le métro parisien revêt une dimension affective, grâce à sa grande proximité avec les usagers : chacun se reconnaît dans certaines stations, qui lui évoquent un lieu de travail, de domicile, de sortie, d’amis.

Enfin, c’est montrer au grand public qu’une cause comme celle-ci est suffisamment importante pour figurer aux côtés d’affiches de films ou de grandes marques. Pour toutes ces raisons, nous y tenions particulièrement.

Depuis vendredi, Animal Testing incite les usagers à prendre en photo la campagne en tagguant l’association et avec le hashtag #CrueltyFree : l’impact de cette campagne se joue sur les lignes du métro, mais aussi en ligne !

La difficulté réside alors dans la réalisation de la campagne, car il nous était impossible de montrer l’angoisse, la souffrance ou la détresse des animaux. Les affiches ne pouvaient pas être anxiogènes ni horrifier un jeune public. Mais nous ne voulions pas tomber dans l’écueil d’un évitement du sujet et montrer des animaux en pleine forme. L’agence de pub Banlieue Ouest, qui a réalisé la campagne, nous a proposé un compromis judicieux, où l’on compatit pour ces animaux qui ont l’air effrayé ou contrit, et qui attirent l’attention.

Enfin, comme certains usagers du métro nous l’ont souligné, nous sommes dans la temporalité d’Halloween, et il est juste que les animaux maquillés et apeurés que nous montrons, font appel à l’inconscient collectif de cette période.

Audrey Jougla

Fondatrice d’Animal Testing

Pour en savoir plus

Animaltesting.fr

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