Soapbox – Animal Rights

Animal Rights appelle à l’empathie pour les rats de laboratoire dans le cadre d’un projet d’adoption

Nos articles Soapbox nous permettent de donner la parole à des associations expertes des combats qui nous tiennent à cœur, via des articles originaux écrits par ces associations. Nous ne modifions jamais les textes qui nous sont fournis, pour laisser une entière indépendance à l’association et ne pas dénaturer son message (nous nous contentons d’ajouter, si nécessaire, des notes d’explication). Dans cet article, nous donnons la parole à l’association Animal Rights à l’occasion de la journée mondiale du rat.

Les rats sont des créatures sensibles, dotées d’une vie émotionnelle riche, et pourtant nous les soumettons sans état d’âme à une cruauté expérimentale. Pourquoi ? Jen Hochmuth, toxicologue et coordinatrice de campagne pour l’association Animal Rights, a écrit un article d’opinion à l’occasion de la journée mondiale du rat, le 4 avril. Elle fait appel à plus d’empathie envers le rat, l’animal de laboratoire de prédilection de nombreux scientifiques, et nous parle du projet d’adoption de Animal Rights.

LES RATS PRENNENT SOIN LES UNS DES AUTRES

Pour les scientifiques, l’une des découvertes les plus inattendues d’une expérience animale est que les rats sont capables d’empathie. Une étude comportementale de 1959 a montré que les rats refusaient d’appuyer sur un levier pour obtenir de la nourriture si ce levier donnait également un choc à un autre rat dans une cage adjacente.1 Les rats préféraient mourir de faim plutôt que d’assister à la souffrance de l’autre rat. L’image négative que beaucoup ont encore des rats est malheureusement totalement injustifiée : les rats sont des créatures empathiques et s’occupent les uns des autres. Tout comme nous.

Mais la découverte de l’empathie des rats a été accueillie avec incrédulité par les scientifiques. Comment un rat peut-il être empathique ? La question de l’empathie chez les rats ne s’est pas posée pendant une cinquantaine d’années jusqu’à ce qu’en 2011, où un groupe de scientifiques a découvert que les rats peuvent libérer d’autres rats piégés dans un tube2. Ce n’est pas qu’ils étaient simplement curieux ou qu’ils voulaient jouer avec le dispositif : s’il était vide ou contenait un rat en plastique, ils avaient tendance à l’ignorer. Et le tube n’était pas facile à ouvrir – il fallait fournir des efforts et faire preuve de doigté – il semble donc que les rats voulaient vraiment libérer leurs congénères.

 

L’OPPOSITION ET L’INCRÉDULITÉ DES SCIENTIFIQUES

La plupart des scientifiques n’étaient pas convaincu·e·s que les rats agissaient par empathie, suggérant plutôt qu’ils voulaient simplement avoir de la compagnie, ou qu’ils voulaient simplement mettre fin aux bruits gênants que faisait l’autre rat.3 Les rats agissaient donc, selon ces scientifiques, non pas par souci de l’autre personne, mais par pur égoïsme. Bien sûr, il est plus facile pour les scientifiques de justifier les tests cruels sur les animaux lorsqu’ils·elles nient l’empathie et la réduisent à l’intérêt personnel.

Depuis lors, on a assisté à une explosion d’études similaires qui placent des rats dans des situations dangereuses pour voir si les autres rats viennent à leur secours. Par exemple, les rats sauveront un autre rat de la noyade même si on leur propose du chocolat à la place. Ils sont également plus susceptibles de venir à la rescousse s’ils en ont fait eux-mêmes l’expérience dans un test animal similaire, ce qui suggère qu’ils comprennent ce que ressent un rat qui se noie.4 Les résultats de ces études sont convaincants et démontrent clairement, à maintes reprises, ce que nous soupçonnions déjà : les rats sont empathiques. Entre-temps, ces études sur les animaux ont causé aux rats une peur et une souffrance considérables. Ce qui est incompréhensible, c’est que les scientifiques sont prêt·e·s à continuer à faire du mal aux rats parce qu’ils·elles les considèrent comme un produit jetable et bon marché.

 

DE MAL EN PIS

Si vous pensez que les scientifiques sont devenus plus attentif·ve·s aux rats de laboratoire et que les expériences sur les rats sont par conséquent moins horribles, détrompez-vous ! Les scientifiques modifient actuellement l’empathie des rats pour trouver des moyens de traiter les maladies psychologiques humaines5. Dans certains cas, les rats reçoivent des traitements qui désactivent temporairement leurs capacités d’empathie, comme de l’héroïne ou des chocs électriques6. L’objectif délibéré de cette recherche est de créer des populations de rats souffrant de troubles mentaux, de traumatismes et d’émotions.

Un fameux exemple est le « test de nage forcée ». Ce test cruel consiste à placer des rats ou des souris dans des récipients remplis d’eau desquels ils ne peuvent s’échapper et où ils sont forcés de nager sans répit pour éviter de se noyer. Ce test est réalisé sous le prétexte d’élucider la question de la dépression chez les humains. Mais en réalité ces tests ne font que terrifier des animaux et repousser le développement de traitements efficaces. Plusieurs entreprise pharmaceutiques ont déjà reconnu cette que le fait de terrifier des animaux en leur faisant subir une situation de quasi-noyade est une science à la fois cruelle et mauvaise.7

 

PLUS D’EMPATHIE POUR LES ANIMAUX DE LABORATOIRE

Nous devrions peut-être nous demander si nous ferions de tels tests sur des humains. Le philosophe Charles R. Magel a dit un jour : “Demandez aux expérimentateurs pourquoi ils font des expériences sur les animaux et la réponse est : parce que les animaux sont comme nous. Demandez aux expérimentateurs pourquoi il est moralement juste de faire des expériences sur les animaux et la réponse est : parce que les animaux ne sont pas comme nous. L’expérimentation animale repose sur une contradiction logique.”

La logique qui sous-tend ces études est paradoxale : les rats sont suffisamment proches de nous pour servir de modèles aux maladies psychologiques humaines, mais suffisamment éloignés pour être en dehors de toute préoccupation éthique. Aujourd’hui, les chercheur·euse·s n’oseraient pas créer des psychopathes humain·e·s pour les étudier, ni laisser un sujet humain voir un enfant se noyer afin de lui offrir une chance de le sauver. La raison en est simple : les êtres humains ont une nature empathique qui doit être respectée. Mais nous ignorons cette même nature empathique chez d’autres animaux en leur infligeant de la souffrance lors des tests de laboratoire.

En fait, nous avons déjà fait aboli l’expérimentation animale sur les grands singes (gorilles, chimpanzés, orangs-outans, bonobos). Il est peut-être temps que la législation accorde aux rats et à tous les autres animaux de laboratoire la protection qu’ils méritent. En ce qui concerne la douleur, la peur, l’empathie et le désir de survivre, tous les animaux partagent nos sentiments. Et c’est pourquoi l’expérimentation animale est moralement inacceptable.

 

UNE SECONDE CHANCE POUR LES ANIMAUX DE LABORATOIRE

Depuis octobre 2019, Animal Rights a déjà sauvé plus de mille rats et souris, les préservant ainsi d’une mort certaine. Beaucoup d’efforts sont souvent déployés pour l’adoption des grands ex-animaux de laboratoire, comme les chiens et les chats, mais c’est beaucoup moins le cas pour les petits animaux de laboratoire.

Les adoptant·e·s donnent à ces animaux la possibilité de vivre leur vie en étant bien soignés. Les rats et les souris vivent désormais dans des enclos plus grands, peuvent explorer, reçoivent les soins (médicaux) dont ils ont besoin et vivent avec leurs congénères.

Un·e adoptant·e a raconté à Animal Rights : “Même ceux qui ont peur des humains viennent maintenant renifler autour d’eux, et c’est parce qu’on leur permet de découvrir le monde à leur manière.”

 

AMBASSADEURS DE LA RECHERCHE SANS ANIMAUX

Les animaux de laboratoire sont souvent considérés comme des objets destinés à être utilisés par l’être humain, puis mis au rebut. Un effet secondaire positif du projet de relocalisation est que toutes les personnes impliquées dans l’élevage et l’utilisation d’animaux de laboratoire, deviennent plus conscientes de la nécessité de réduire au minimum le nombre d’animaux de laboratoire “excédentaires”.

Notre projet d’adoption démontre aux expérimentateur·rice·s et aux soignant·e·s concerné·e·s qu’un “animal de laboratoire” est plus que ce que le terme implique. Ces souris et ces rats sont des ambassadeurs nous disant que nous devons nous efforcer d’abolir une fois pour toutes l’expérimentation animale.

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